Avant d’aborder le cœur du projet, laissez-moi vous présenter ce que je définirais comme étant l’art.
Ma définition est relativement simple : générer une émotion par la forme.
Je précise bien par la forme et non par le fond. Un exemple simple : la mort. Le simple fait d’évoquer la mort dans un livre, un film, un jeu ou autre provoque une émotion plus ou moins forte chez le “spectateur” en fonction de son expérience personnelle, personne n’y étant totalement insensible car il est dans notre nature d’appréhender d’une manière ou d’une autre la mort. Mais en fonction de l’individu, le résultat ne sera pas le même. Avec de la forme, l’artiste peut créer une émotion beaucoup plus forte et ciblée, par exemple en créant au préalable une forte empathie pour l’individu mourrant, auquel cas le spectateur ressentira une tristesse plus profonde que la simple annonce de la mort d’un personnage inconnu. L’organisation de l’oeuvre consistant à créer l’empathie avant de présenter la mort est donc une technique formelle de présentation d’un fait simple, dont le résultat diffèrera d’une autre forme. Si le spectateur voit le personnage avec antipathie, il ressentira plutôt un soulagement, voire une satisfaction, au moment de sa mort.
La manière même de présenter la mort possède autant de variantes possibles qu’il existe d’artistes. La manière de mettre en scène la mort (le choix des mots, le rythme des phrases, le cadrage, la lumière, la musique associée, les silences ou au contraire les paroles d’autres protagonistes, la présentation par une voix-off, ou la simple contemplation de la scène) jouera énormément dans la manière de ressentir la chose.
Evidemment, n’importe quel fait, idée ou sentiment est impacté par la manière dont il est présenté (l’amour, l’amitié, la naissance d’un enfant, la peur, la pollution, le quotidien, la dégustation d’un café, etc…). Un grand artiste est capable de véhiculer de très fortes émotions en présentant les choses les plus insignifiantes (par exemple La Joconde, qui représente une femme plutôt quelconque, mais avec une finesse dans la représentation de l’expression de cette femme, au regard fixé sur le visiteur).
On pourrait argumenter que puisqu’il y a forcément forme dans une manière de présenter une oeuvre, une action, une scène, un personnage, etc… Toute oeuvre est oeuvre d’art. Selon ma définition, cela est en partie vrai. En partie seulement, car la plupart des gens se contenteraient de présenter la chose en utilisant une forme précédemment rencontrée, ou en essayant maladroitement de la copier. En revanche, s’inspirer d’une ou plusieurs oeuvres existantes, les mélanger, les décortiquer, les découper, et les fusionner représente déjà un processus de création artistique en lui-même. Les plus grandes oeuvres étant celles qui semblent venir de nulle part, dont on ne peut réellement déterminer la filiation. Ce sont celles-ci qui restent dans l’histoire et demeurent des références à travers les âges.
Voilà toute la difficulté de l’analyse artistique d’une oeuvre : déceler ce qui relève de l’inspiration pure, qui ne doit rien à personne, et comment cette forme d’expression véhicule une émotion (et quelle émotion ?) chez le spectateur. Ou encore, comment un artiste s’est inspiré de ce qu’il connait pour en tirer le nectar, et compiler ces extraits pour servir ses propres desseins. Enfin, on peut également esssayer de découvrir pourquoi une oeuvre n’est qu’un plagiat d’une autre, sans aucune (ou très peu) d’influence personnelle de la part de l’artiste. Si vous analysez n’importe quel oeuvre autour de vous, elle devrait rentrer dans une de ces trois catégories.
Nous parlerons par la suite des différents formes d’expression artistique communément reconnues, mais au sein d’un classement différent de celui habituellement présenté (cf. Classification des arts (wikipedia)).