Dossier Shadow of the colossus (4ème partie) – Graphismes

6935Il faut rappeler que le jeu est sorti sur la fin de vie de la PS2, la poussant dans ses derniers retranchements au niveau des graphismes. Mais si la technique était très poussée pour cette console, ce ne sont pas les performances du moteur qui ont marqué les joueurs, mais belle et bien la direction artistique du jeu. Étudions ce que la réalisation visuelle apporte à l’expérience de Shadow of the Colossus.

Note : si vous n’avez pas joué à ce jeu, évitez de lire cet article. Jouez au jeu, profitez-en, et lisez cet article ensuite. Il pourrait vous gâcher (un tout petit peu) le plaisir de la découverte (contient des spoilers).

La lumière

the-team-ico-collection-playstation-3-ps3-009La lumière constitue l’une des composantes les plus importantes du jeu, aussi bien visuellement que dans le gameplay lui-même. Au niveau de l’aspect graphique, dès l’introduction du jeu, la lumière est omniprésente. Dans les scènes ensoleillées, on retrouve un rendu où les textures du sol comme des rochers semblent brûlées ; Le ciel paraît inondé de soleil ; un brouillard lumineux se dessine au loin et semble masquer le reste du paysage (ce point étant bien plus présent sur la version PS2 que le remake HD sur PS3). Cette lumière écrasante renforce l’aspect désertique des lieux, appuie le sentiment de grandeur des décors (voir le paragraphe « vertige »), et semble fondre les couleurs les unes avec les autres, rappelant par là le style du peintre William Turner (je vous renvoie à ce propos vers un excellent article paru dans le magazine IG n°18).

classics-hd-ico-shadow-of-the-colossus-playstation-3-ps3-1315465162-357Envisagée selon ces critères, la lumière ne semble pas accueillante. Elle peut tromper le joueur dans ses sensations. Il faut également rappeler que le dieu qui est au cœur de l’intrigue n’est représenté visuellement que par des rayons de lumière (il la cite également à plusieurs reprises), créant automatiquement une association entre les deux. De la même manière, c’est la lumière reflétée par l’épée du héros qui indiquera à celui-ci le chemin à suivre, ou encore les points faibles des colosses. Cette lumière semble être offerte, ou du moins sous contrôle de ce dieu, dont on ne sait au final rien de son véritable pouvoir sur les éléments de ce lieu si mystérieux. On finit par redouter l’absence de lumière, et le joueur est dès lors obligé de composer avec celle-ci, de la même manière que Wanda obéit aveuglément au Dieu, avec les conséquences funestes que l’on sait (si l’on a fini le jeu, du moins).

Les modèles

Un énorme travail a été réalisé sur la modélisation dans le jeu. On remarque ici que les objets modélisés sont tous d’une taille certaine. On ne trouve rien qui semble avoir été fait pour un être humain : les temples, statues, ponts, colonnes semblent tous avoir été modélisés à destination d’êtres plus grands que la normale (du moins, pour notre norme à nous), ce qui renforce le sentiment d’une aventure « plus grande que nature ». Le travail sur la modélisation peut se découper en deux parties : le travail sur les décors, et la création des colosses.

classics-hd-ico-shadow-of-the-colossus-playstation-3-ps3-1315465162-086En ce qui concerne les décors, outre leur gigantisme, c’est leur design qui marque. Ils semblent tout droit sortis d’architectures occidentales, entre antiquité (temples, arènes, colisée, colonnes, ponts) et moyen-âge (château). Ces monuments semblent suffisamment en ruines pour sembler être des vestiges du passé, nous donnant l’impression que ce lieu pourrait exister quelque part dans notre monde réel, loin de chez nous dans une région oubliée de tous (ce qui doit sembler encore plus vrai pour des japonais). Mais, dans le même temps, ils sont suffisamment bien conservés pour immerger le joueur dans un monde de mythologie et de légendes (presque) vivant, où quelques réminiscences du passé survivent encore.

Agro 4Toutes ces remarques sont sublimées par l’apparition des colosses, de ces monstres gigantesques, qui semblaient dormir depuis des siècles, sorte de mélange animal, minéral et végétal. Le design visuel de ceux-ci ramènent systématiquement le joueur à des choses connues (la forme d’un animal réel ou mythologique, l’aspect d’un dieu grec, voire même l’apparence d’un robot). Pourtant, leur constitution les rend extraordinaires, que ce soit leur taille démesurée ou les matériaux dont ils sont fait. Tout cela ne laisse aucun doute sur leur origine divine : ils ne peuvent pas avoir été créés par des hommes. Ces chimères renforcent l’idée que l’on a découvert la région du monde où l’on trouve les derniers vestiges d’un mythologie autrement disparue.

Le vertige

En forme de conclusion à ce chapitre, je voudrais évoquer ce qui pour moi définit le mieux la sensation provoquée par l’aspect visuel du jeu : le vertige.

classics-hd-ico-shadow-of-the-colossus-playstation-3-ps3-1315465162-199Un vertige évidemment vertical lorsque l’on survole un étang sur le dos d’un colosse volant, lorsque l’on est ballotté, accroché à quelques poils de tête d’un colosse agacé, lorsque l’on traverse un pont au-dessus du vide, ou encore tout en haut d’une montagne, le regard plongeant sur un lac en contrebas. La verticalité se retrouve un peu partout, mais quoi de plus normal pour un jeu proposant à un humain de se confronter à des colosses grands comme des immeubles. On retrouve cette sensation dans la hauteur du château principal, et surtout les profondeurs abyssales des lacs que l’on découvre et dans lesquels on doit souvent se battre (personnellement, ce sont les moments les plus angoissants que j’ai pu ressentir dans le jeu). Et que dire du dernier colosse qui synthétise tout ce qu’on a vécu dans une escalade sans fin pour arriver jusqu’à lui, puis la séquence plus difficile pour atteindre son sommet.

Un vertige « horizontal » prothe-ico-and-shadow-of-the-colossus-collection-playstation-3-ps3-1308763504-030voqué par la grandeur des paysages, la longueur extraordinaire de certains monument (le pont de l’introduction, la longueur du temple). La taille de certains colosses (le « serpent de mer », la « libellule ») qu’il faut parcourir dans toute leur longueur pour en atteindre les points vitaux. Et surtout, ce jeu des lumières qui brouille les distances, mélangeant les couleurs, suggérant une chaleur intense ou un vent violent, et créant un flou évoquant un effet de profondeur de champ.

1440-900-8611Enfin, un vertige « temporel », lié à la présence d’éléments semblant à la fois proches de nous de par leur apparence, mais mythologique de par leur nature et leur démesure. Ce monde semble à la fois historiquement plausible par certains aspects, et en même temps totalement hors du temps par d’autres.

What next ?

Il y a beaucoup à dire sur l’aspect visuel de ce jeu, y compris d’un point de vue d’arts plus classiques comme la peinture, la photographie ou le cinéma. Le parallèle avec la peinture de William Turner est très bien fait dans l’article d’IG Mag n°18. Mais l’aspect sonore, et particulièrement la musique, n’est pas en reste, comme nous allons le voir dans la prochaine partie de ce dossier. [-> lire la 5ème partie]

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