Dossier Shadow of the Colossus (6ème partie) – Conclusion

1440-900-55717Je n’avais pas initialement prévu d’écrire autant d’article sur Shadow of the Colossus ; j’avais simplement l’intention de parler de ce que j’en avais ressenti. Mais dès que j’ai commencé à analyser, décortiquer chaque aspect qui en fait une véritable oeuvre-d’art, je n’ai pu m’arrêter de creuser toujours plus profondément. Il y a tellement d’éléments magnifiquement réalisés dans ce jeu, que j’en ai moi-même été étonné. Il n’en reste pas moins quelques ratés qui auraient pu être évités. Nous allons rapidement les aborder avant de conclure sur ce jeu absolument fabuleux.

Défauts

Il y a quelques défauts dans Shadow of the Colossus qui, heureusement, ne change en rien la qualité générale de l’expérience offerte au joueur.
Le plus gros de ces problèmes est la présence d’un HUD (Heads-Up Display, à savoir l’interface d’affichage des informations données au joueur), car il a un impact sur l’immersion du joueur. C’est un point important car, comme on l’a vu, l’immersion est le leitmotiv du jeu. On aurait pu facilement s’en passer car la plupart de ces informations sont déjà présentes dans le jeu : the-team-ico-collection-playstation-3-ps3-009l’arme portée est visible sur l’avatar du joueur, le niveau d’endurance du joueur est indiqué par les vibrations de la manette et par le son d’une alarme, et la vie des colosses est représentée par ses points faibles. La seule chose qui aurait demandée à être retravaillée est la barre de vie de l’avatar, mais, encore une fois, il existe de nombreux moyens de la montrer de manière nonintrusive (elle aurait même pu être totalement cachée, vu que le jeu consiste principalement à éviter de se faire toucher). Ueda l’a très bien fait dans Ico, et je me demande pourquoi il a décidé de ne pas réitérer pour Shadow.

Le deuxième problème est la gestion de la caméra. En effet, elle est difficile à manipuler et se retrouve souvent coincée dans les angles ou les murs. Ce problème serait encore plus gênant si les environnements n’étaient pas si vastes, et il est de plus partiellement corrigé par ce bouton servant à cibler directement le colosse. Il faut tout de même se rappeler que les problèmes avec les caméras “libres” étaient monnaie courante à cette époque.

Tout compte fait, très peu d’erreurs techniques ont été commises lors du développement de ce jeu (surtout en regard de ses qualités). Néanmoins, certains choix restent discutables.
Le premier est (désolé pour le spoil, mais vous ne devriez de toute manière pas lire cet article si vous n’avez pas fini le jeu) la réapparition d’Agro dans l’épilogue, qui minimise fortement la puissance émotionnelle de la scène de sa “mort”, alors que celle-ci était particulièrement poignante, et magnifiquement mise en scène. J’ai toujours un ressentiment pour toutes ces œuvres (souvent cinématographiques) qui ne vont pas jusqu’au bout de ce genre de scène (les exemples ne manquent pas).
Le deuxième choix discutable est le fait que Wander (le “héros”) parle. Lorsque j’ai commencé ce dossier, Je n’avais joué qu’une seule fois à ce jeu (je l’ai refait deux fois depuis), 1440-900-8611et j’ai certain qu’il était en fait muet (comme Link dans les jeux Zelda). En réalité, il ne l’est pas, car il parle durant l’intro ; mais il ne parle plus durant le reste du jeu. Pendant cette conversation, le joueur n’est que spectateur de la scène, et non acteur, ce qui brise la magie de l’immersion. Un héros muet (aussi bizarre que cela puisse paraître) est beaucoup plus proche du joueur, en cela que ce dernier ne peut s’entretenir directement avec les personnages du jeu. Puisque Wander est muet tout le reste du jeu, il aurait été préférable de remodeler l’intro de façon à ce qu’il n’est pas besoin de discuter avec le Dieu du temple.
Pour finir par un point beaucoup plus léger, j’aurais préféré que les colosses puissent écraser et tuer le héros d’un seul coup. Vu que le jeu est construit comme une confrontation réaliste entre un simple humain et une gigantesque créature, rien de moins qu’un combat parfait devrait être nécessaire pour s’en sortir, et la menace d’une mort subite aurait augmenté le challenge, la pression, et proportionnellement la fierté et la joie d’en sortir victorieux.

Un modèle de création artistique

Shadow of the Colossus s’est établi comme une référence de l’approche artistique de la création d’un jeu vidéo. Il mélange de nombreux aspects de différentes formes d’art au sein d’un chef-d’oeuvre dont le tout vaut bien plus que la somme de ses parties. Chacun de ces éléments est non seulement une extraordinaire réussite en soi, mais vient surtout compléter ce que les autres ne peuvent exprimer. De plus, il n’y a aucune redondance parmi ceux-ci, chacun d’eux communicant ses propres émotions. La musique, les graphismes et le scénario apportant chacun leur propre contribution à l’oeuvre globale, et, surtout, le gameplay relie de manière subtile toutes ces parties au sein d’une oeuvre cohérente (là où de nombreux jeux se contentent de mettre des phases de gameplay pour occuper le joueur entre deux cutscenes, et vice-versa).

Il est courant d’entendre dire qu’il y a deux grandes manières de faire de l’art : l’une est le produit de l’instinct de l’artiste, où il crée au fur et à mesure que les idées lui viennent ; alors que dans la deuxième, l’artiste crée une version brute de son oeuvre, et la peaufine encore et encore jusqu’à ce que le résultat réponde à son idée initiale. Il est probable que Fumito Ueda ait combiné ces deux approches pour réaliser son chef-d’oeuvre, car on peut ressentir la singularité de ce jeu, à la fois 8605au niveau des émotions qu’il nous procure que dans la manière de les communiquer. De manière générale, les jeux vidéo sont difficiles à créer par la première méthode, parce que programmer est un long processus, qui demande de tester, corriger, refaire le code. Je suppose que des jeux expérimentaux, faits à partir de quelques lignes de code (voire aucune), grâce à des moteurs de jeux “clé en main” par exemple, pourraient être créés de cette façon. Mais, ceux-ci, comme c’est le cas pour les films, sont classés dans la catégorie “expérimentaux” et sont rarement reconnus comme jeux à part entière. D’un autre côté, on trouve de plus en plus de jeux du second type, qui sortent dans une version non finie(principalement des free-to-play et jeux sociaux) et qui sont enrichis, améliorés au fur et à mesure, soit des retours des joueurs, soit des contraintes économiques (ou simplement pour copier un élément d’un autre jeu à succès).

Le choix de faire de ce jeu un jeu de type simulation là où la plupart des jeux à succès étaient des jeux d’arcade, en fait clairement un jeu à part. À cette époque, toutes les séries à succès tendaient vers un style de jeu très arcade (Resident Evil, God of War, Jak & Daxter, Ratchet & Clank, Zelda, etc.). Même les jeux de rôle ont réduit de plus en plus leur composante “jeu de rôles” pour une expérience plus accessible et immédiate. Mais se battre contre des colosses tel que proposé dans ce jeu, constitue l’une des meilleures expériences de boss-fight, en cela que le joueur doit faire usage de sa propre ruse et intelligence pour battre cette gigantesque créature.

Pour conclure, nous avons vu, en analysant chaque aspect de cette oeuvre d’art, que tout a été réalisé en suivant une vision directrice de ce que le joueur devrait ressentir en parcourant le jeu. Tout ce travail ayant été réalisé dans le but d’offrir l’expérience absolue que se doit de nous offrir le média artistique le plus complet qui soit : le jeu vidéo.

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